Le
contexte et une critique du projet par ERN
(European Rivers Network)
Ce projet de transvasement
est techniquement réalisable. Il est justifié par ses
concepteurs et ses promoteurs par des raisons de solidarité envers
la population espagnole, entretenant le mythe d'une Espagne "assoiffée",
peu ou mal équipée pour répondre à ses besoins
en eau.
L'Espagne est
pourtant le pays au monde qui possède le plus de barrages par
km2 et par habitant.
Ce projet de transvasement
se caractérise par une abscence de réflexion de fond sur
le mode de développement économique et d'aménagement
du territoire. Ainsi, l'incitation au "toujours plus d'eau consommée"
et aux grands travaux conçus comme des fins en soi semble constituer
la philosophie majeure du projet.
Les besoins en eau de Barcelone ne sont pas aussi évidents et
urgents que le déclarent les autorités. Les études
du Plan Hydrologique National (PHN) prévoient une augmentation
exagérée de la population urbaine et périphérique
de Barcelone pour les prochaines années, ce qui ne corrrespond
pas à la réalité des tendances actuelles. On assiste
en fait à une situation de quasi-stagnation de la population.
L'Institut Statistiques de Catalogne prévoit une très
faible croissance sur toute la zone urbanisée de Barcelone. Le
maire de cette ville, en visite à Tortosa (Delta de l'Ebre) lors
d'un meeting de la P.D.E. (Plateforme de Défense de l'Ebre) le
26 août 2002, a d'ailleurs déclaré publiquement
que sa ville n'avait pas besoin d'eau et qu'elle en consomme de moins
en moins à mesure que sa perception de la gestion de l'eau se
modernise.
D'autre part, une
évaluation récente indique que le niveau des fuites dans
le réseau est de l'ordre de 25 %, sans compter les 12 millions
de m3 annuels provenant des nappes phréatiques, qui sont pompés
dans le métro barcelonais pour éviter son inondation et
qui sont rejetés à la mer
Dépolluer la nappe
phréatique de Barcelone sera rendu obligatoire par la Directive
Cadre Eau européenne lors de son entrée en vigueur en
2004. Pourquoi ne pas planifier sur 20 ou 25 ans cette tâche,
certes coûteuse, mais bénéfique sur tant de points
à long terme et l'entreprendre dès maintenant ?
La
Catalogne a un problème de qualité et de gestion de ses
ressources hydriques,
pas
un problème de quantité.
A moins
de choisir délibéremment un développement urbain
sans frein, à la mode "californienne", avide de ressources,
sans modération ni gestion durable, il faut se poser pour Barcelone,
comme pour toute autre métropole, la question du modèle
de développement (en tenant compte de son adéquation avec
le climat local et des changements climatiques en cours).
Augmenter l'offre d'eau, sans s'interroger sur les conditions d'utilisation
de cette ressource, est une aberration à l'heure d'une gestion
durable.
Le professeur Pedro
Arrojo, de l'université de Saragosse, explique : "La
facture des travaux serait sans doute payée, en bonne part, par
la Communauté européenne et les autorités publiques.
Et pourquoi ? Pas parce que le citoyen normal nécessite de l'eau,
il n'en manque pas. Mais peut-être pour alimenter plus de toilettes
d'hôtels de la Costa Brava et de parcours de golf. En d'autres
termes, il ne s'agirait pas de solidarité européenne,
mais d'argent public au service de spéculateurs privés."
L'eau
du Rhône qui serait transvasée en Catalogne le serait pour
ses "clients" privés habituels :
l'agriculture productiviste et le tourisme de masse,
exacerbant les pressions sur les milieux naturels
et renforçant une concurrence inutile
avec les mêmes secteurs économiques, côté
français.
De
plus, le danger de ce projet est de créer un précédent
dans le transfert d'eau entre pays, entérinant
une logique de "marchandisation" de l'eau au niveau international.
Aujourd'hui, le
projet n'a pas d'existence officielle. Le ministère de l'environnement
français n'a pas reçu de demande officielle du gouvernement
espagnol. Et ce genre de projet ne peut être lancé que
suite à un accord intergouvernemental.
Jusqu'à présent
le gouvernement central espagnol refusait d'être dépendant d'un pays
étranger pour son approvisionnement en eau. Il s'opposait alors au gouvernement
Catalan, dirigé par la formation politique de Jordi Pujol (CIU
Convergencia Y Union) favorable au transfert du Rhône. En effet, les
dirigeants Catalans considèrent que leur province subirait
une perte en eau très importante lors du transvasement du fleuve Ebro
en direction du Sud-Est de l'Espagne, selon la loi du Plan Hydrologique
National (PHN). Ils ont négocié leur accord au PHN à la condition de
recevoir, en compensation de l'eau déviée de l'Ebre, celle du Rhône.
Très récemment, un accord politique a été conclu entre le gouvernement
central de M. Aznar et le gouvernement catalan de M. Jordi Pujol. La
demande officielle de l'Espagne auprès de la France pour ce transfert
semble désormais très proche.
Voir
aussi nos pages sur le "Plan Hydrologique National (P.H.N.)"
de l'Espagne
Utilité
du projet ?
Par Michel Drain
/ Professeur à la Faculté des Sciences Humaines de Luminy (Marseille)
1-
Ce transfert à caractère international, présenté comme un acte de solidarité
européenne (ce qui permettrait d'obtenir des aides de la CE) serait
en fait le premier maillon d'un réseau européen de l'eau. Cela fut publiquement
présenté ainsi au Parlement européen et le conseil d'Etat français,
en 1997, a considéré le projet comme d'utilité publique en s'appuyant
sur l'article XII du traité de Rome concernant les réseaux
européens (oléoducs, gazoducs, voies de circulation, etc). Ceci
inscrit ce projet comme une étape vers la marchandisation de l'eau et
ultime sursaut de la politique de gestion de l'eau par l'offre.
2- L'attribution d'une concession
de prélèvement de 75 m3/s en amont du delta du Rhône par l'Etat et pour
85 ans à la BRL concernait une société d'aménagement régional semi-publique
devenue depuis une holding dont la principale société filiale, BRL exploitation,
a la SAUR (*) parmi ses actionnaires pour 49 % des capitaux.
3- Le problème de l'eau à Barcelone
concerne plutôt la qualité de l'eau brute provenant essentiellement
des deux fleuves côtiers Ter et Llobregat (d'où l'intitulé du producteur
d'eau ATLL : eaux du Ter et du Llobregat). L'eau du Llobregat est particulièrement
polluée et...salée, le cours d'eau traversant en amont un pli diapir
et des usines de sel de potasse abandonnées. La prochaine norme européenne
en la matière fera d'une eau aujourd'hui déclarée potable une eau qui
ne le sera plus. Il serait alors nécessaire d'avoir recours aux procédés
d'épuration membranaires très coûteux. Recevoir l'eau brute du Rhône
(avec une petite subvention à la clef) peut revenir meilleur marché.
4- La pénurie d'eau en volume à
moyen terme se fonde sur une augmentation de la population or l'Espagne
a un des plus bas taux de natalité du monde. On constate par ailleurs,
dans toutes les villes des pays développés, une diminution de la consommation
d'eau potable. S'il se produisait une pénurie durant quelques jours
en été, elle pourrait être aisément combattue par le recours à l'eau
du barrage de Rialp, à une centaine de km de la station d'Abrera. Cette
éventualité a toujours été soigneusement écartée (et le conseil scientifique
d'ATLL avait l'ordre de ne pas l'aborder) parce que l'eau de ce barrage
récemment achevé est réservée à l'extension de l'irrigation dans la
région de Lérida (de grand intérêt électoral pour Jordi Pujol, Président
du gouvernement Catalan) avec l'aménagement discret du canal Segarra
Garrigues. Etablir le transfert d'eau du Rhône reviendrait ainsi à encourager
la politique de gestion de l'eau par l'offre dont l'Espagne s'est faite
le champion.
(*) : SAUR filiale
eau du goupe BOUYGUES, un leader mondial de la construction et du béton.
La
B.R.L.
Cette société d'aménagement
et d'exploitation du Bas-Rhône et du Languedoc est mixte : la maitrise
des ouvrages est du domaine public (collectivités locales, Régions,
Départements), leur exploitation est privée.
La B.R.L. possède 4 filiales :
La BRL Ingéniérie, la BRL Exploitation, la BRL Espaces Naturels et la
SEPA LRC (Languedoc Roussillon Catalogne) responsable du projet de l'Aqueduc.
Le capital de la BRL Exploitation, filiale dédiée au très profitable
"commerce de l'eau", est composé à 51% de la BRL maison mère (dont 36%
du capital sont du domaine privé) et à 49% de la société SAUR
(filiale "eau" de Bouygues, leader mondial de la construction
et du béton).
Le capital de la
SEPA LRC est composé à 51% de la BRL maison mère, et les 49% restant
sont partagés entre des sociétés comme Pont à Mousson, Spie Batignoles,
Suez, Saur, Cie Générale des Eaux, Alsthom etc...
Cf. : www.brl.fr
Données
techniques
Les
chiffres
Longueur
: 330 km de long (200 km en France, 130 en Espagne)
Débit : 15 m3/sec (1 300 000 m3/jour)
Tunnel de 4 km sous le Perthus
Canalisations de 2,80m de diamètre
5 ou 6 unités de pompage
Consommation d'électricité : 700 millions de kilowatts
heures /an
Coût estimé du transfert : 4 F/m3
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Profil
en long Montpellier Barcelone (document BRL)