SOS Loire Vivante Infos n°36 - Décembre 98

Publication trimestrielle éditée par  SOS Loire Vivante.
Dir. de publication: Martin Arnould.  Rédaction.: Marie Arnould, Roberto Epple, Olivier Kotvas, Philippe Lhort, Prix de vente: 10F. Abonnement à SOS Loire Vivante Infos: 40 F par an. Imprimerie Anicienne, 43000 Le Puy. ISSN 09997849 Commission Paritaire N°AS 73 601. 

Sommaire

  • Pour un Plan Loire Grandeur Nature 2.... avec ou sans l'EPALA
  • Chambonchard : L'illusion du developpement économique
  • St. Etienne du Vigan : bientot démoli !
  • NAUSSAC 2 : 30 000 F pour l’EPALA ?
  • Haute Vallée de la Loire
  • Brèves
  • Calendrier

  • Pour un Plan Loire Grandeur Nature 2.... avec ou sans l'EPALA

    Plus de quatre ans après le lancement du Plan Loire Grandeur Nature, il est temps de le réactualiser, afin de passer à un Plan Loire Grandeur Nature 2. Le contrat passé entre l’Etat, l’EPALA et l’Agence de l’Eau en 1994, peut, et doit être modifié. Rappelons que, en 1986, le protocole signé par les mêmes partenaires était lui aussi un engagement contractuel, qui a été remis en cause car il était le fruit d’une culture de l’aménagement des fleuves archaïque.

    Le Plan Loire, un réel progrès...
    Le Plan Loire a constitué un réel progrès, qui nous donne partiellement satisfaction : à Brives-Charensac, les travaux hydrauliques sont pratiquement terminés. Sur le Haut-Allier, le chantier de démolition du barrage de Saint-Etienne-du-Vigan s’achèvera en grande partie en juin. L’enquête publique pour l’arasement de Maisons-Rouges a enfin eu lieu, et la démolition pourrait commencer dès l’automne. Les travaux de renforcement des levées en Loire moyenne sont engagées. Les études pour le relèvement de la ligne d’eau en basse Loire progressent, ainsi que celles sur les crues en Loire moyenne, permettant d’approfondir la question des alternatives au projet de barrage du Veurdre.

    ...mais des insuffisances
    Mais certains aspects du Plan Loire ne nous conviennent toujours pas : le chantier de Naussac 2 est terminé, montrant que la vitesse pour construire un barrage, même mineur, est autrement plus rapide que celle permettant d’en enlever. D’importants travaux préliminaires ont été effectués sur le site du barrage de Chambonchard durant l’été 1997, alors que l’utilité publique de cet ouvrage est de plus en plus incertaine. Le volet de reconstitution des milieux naturels piétine. Le projet de salmoniculture de Chanteuges a trois ans de retard. Et les mesures de gestion alternative du risque de crues en aval de Brives-Charensac ne sont toujours pas engagées. Autre point négatif : l’EPALA, en panne d’évolution, multiplie les menaces si l’Etat ne paie pas pour Chambonchard. M. Doligé nous refait le coup de Jean Royer : ce sera Chambonchard ou rien. Enfin, en dehors du Plan Loire, les associations ne sont toujours pas associées à la question de la gestion des terrains de Serre de la Fare, qui restent en possession de l’EPALA.

    Oser penser “l’impensable”
    Les associations sont là pour poser les “ questions impensables ”, de celles qui ont conduit à ces innovations culturelles et environnementales majeures que sont par exemple la suppression de vieux barrages. Elles posent maintenant la question d’un Plan Loire Grandeur Nature 2, encore plus novateur : un Plan Loire sans Chambonchard et sans extension du Port Autonome de Nantes sur la zone humide de Donges-Est ; un Plan Loire renforcé au niveau de la protection des milieux naturels et notamment sur la Haute-Vallée de la Loire qui n’a bénéficié d’aucun mesure de protection ; un Plan Loire dont les mesures alternatives de protection contre les crues seraient étendues jusqu’à Grangent, en amont de Saint-Etienne ; un Plan Loire dans lequel les fonctions et les devoirs des différents acteurs seraient précisés, et dans lequel les associations trouveraient leur place... Un Plan Loire avec ou sans l’EPALA.


    Chambonchard : L'illusion du developpement économique

    Chambonchard, barrage écrêteur de crue ? Depuis 1991, cet argument a été abandonné. Chambonchard, barrage de soutien d’étiage ? Suite aux réductions des besoins en irrigation découlant de la réforme de la PAC de 1992, la capacité de la retenue a été réduite à 50 millions de m3 en 1994. En décembre 97, le président du Comité de Bassin Loire-Bretagne, Ambroise Guellec, déclarait en réponse à une question de Loire Vivante, que le programme irrigation n’existait plus dans le secteur de Chambonchard. Alors... Chambonchard, barrage à vocation touristique ? L’EPALA, ayant enfourché ce nouveau dada, a imposé la création d’un volume supplémentaire de 30 millions de m3 pour la retenue, en sus des 50 millions de m3 prévus. Or l’expertise du programme de développement touristique réalisée par le bureau d’étude indépendant AScA, à l’instigation de Loire Vivante et du WWF-France, confirme que cette justification ne tient pas plus que les deux autres.
    Principales conclusions de l’expertise ?

    - Le plan d’eau serait peu propice aux activités touristiques :
    forme du plan d’eau défavorable à la voile, fortes pentes empêchant l’accès et rendant la baignade peu adaptée aux enfants, risques d’eutrophisation et surtout, un seul lieu de baignade prévu à la Caborne. Un rapport de la SOMIVAL, qui a réalisé les études pour le compte de l’EPALA, suggère même d’équiper les sites d’hébergement de “ piscines récréatives ” !

    - Il existe une forte concurrence locale.
    Pas moins de 4 plans d’eau touristiques offrant déjà de nombreuses activités, sont présents dans un rayon de 70 km. Dans les études, rien ne permet d’identifier les spécificités du site qui pourraient lui conférer des avantages ou des éléments de complémentarité avec ces autres sites. De plus, le projet repose sur une synergie avec la retenue de Rochebut, dont le développement est encore aujourd’hui en sommeil !

    - Les retombées économiques du programme
    ont été surévaluées. Les 30 millions de francs de retombées économiques annuelles estimées dans les études de la SOMIVAL reposent sur l’hypothèse non étayée d’une augmentation importante de la fréquentation touristique et sur celle de dépenses journalières des touristes supérieures à la moyenne nationale. La comparaison avec la retenue de Seine, du Lac de la Forêt d’Orient, relativise cette comparaison : après 30 ans de fonctionnement, les retombées touristiques annuelles sont estimées pour la région à 40 MF. Or cette retenue bénéficie d’un contexte beaucoup plus favorable : la retenue, située à 150 km de Paris par l’autoroute, bénéficie de campagnes publicitaires d’affichage annuelles dans le métro depuis environ 4 ans. Le bureau d’étude propose donc un autre scénario, plus réaliste mais encore optimiste, chiffrant ces retombées économique à 9 MF/an.

    - Le bilan économique global de l’opération est négatif.
    La comparaison des coûts et des avantages du programme de développement touristique montre que, avec des retombées à 9 MF, le bilan est négatif dans des projections à 25 et 50 ans, quelles que soient les hypothèses retenues pour le coût des dépenses liées à la réalisation de cette tranche touristique de 30 Mm3 (46 MF selon la SOMIVAL, 80 MF selon la Charte d’exécution du Plan Loire, ou même jusqu’à 205 MF selon l’étude AScA...).

    - Les coûts supportés par les collectivités locales seront importants
    . L’ensemble du projet touristique est estimé par la SOMIVAL à 104 MF, dont l’EPALA prendra 24 MF en charge. Les départements de l’Allier et de la Creuse et les communes riveraines participeront au financement de ce programme. Evaluées à 2,2 MF dans l’un des rapports de l’EPALA, les charges annuelles de ce programme (remboursement des emprunts, frais de fonctionnement, etc.) seront en réalité comprises entre 3,4 et 8 MF. Or ces charges annuelles devront être payées dès la réalisation des ouvrages, alors que les recettes, beaucoup plus incertaines, n’arriveront que progressivement... Les collectivités locales seront-elles en mesure de supporter ces charges ? Le barrage de Chambonchard n’est-il pas un cadeau empoisonné qu’elles risquent d’assumer seules et longtemps ? A moins que les aménagements touristiques promis ne soient jamais réalisés, comme à Rochebut ou Villerest...


    St. Etienne du Vigan : bientot démoli !

    La démolition du barrage de Saint-Etienne-du-Vigan, débutée en 1997, s’achèvera bientôt. Dans les semaines à venir, les deux murs édifiés successivement - le vieux barrage en pierre de 1895 et le second de 1950 - vont être supprimés ; le lit de l’Allier sera dévié durant les travaux afin de minimiser les nuisances. Le site devrait être rendu à son état initial pour le début du mois de juillet. L’ensemble des travaux est évalué à 7 millions de francs, auxquels seront rajoutés 7 MF pour l’accompagnement économique en faveur de la commune de Saint-Etienne-du-Vigan (mise aux normes de bâtiments d’élevage, travaux d’assainissement et d’embellissement). Ces mesures ont été élaborées en concertation avec les habitants, dont certains s’étaient opposés au démantèlement de l’ouvrage.
    La suppression du barrage va permettre de reconquérir 30 hectares d’excellentes frayères à saumons, un atout précieux pour la sauvegarde de l’espèce. Les chiffres sur la situation de la population sur le bassin de la Loire, pour 1997, sont en effet toujours très bas : 389 saumons ont franchi l’échelle du barrage de Vichy, et 35 le barrage de Poutès. Ces nouvelles frayères ne seront pas du luxe !
    Au delà de la sauvegarde de l’espèce, l’opération est intéressante à plus d’un titre. Premièrement, elle a été conduite dans un climat de concertation que Loire Vivante réclame depuis longtemps quand il s’agit de décisions aussi importantes. Deuxièmement, c’est un verrou symbolique qui saute. Toucher un barrage EDF était encore impensable il y a seulement 5 années. On démolit de vieilles usines, pourquoi ne démolirait-on pas de vieux barrages ? Il y a là un espace de réflexion et d’action qui s’ouvre, un vrai chantier d’avenir.


    NAUSSAC 2 : 30 000 F pour l’EPALA ?

    Le recours juridique contre Naussac 2 a été perdu, et les six associations requérantes - SOS Loire Vivante, Nature Haute-Loire, FNE, TOS, Fédération de Pêche de Lozère et WWF-France - ont été condamnées chacune à 5000F d’indemnités de dommages. Récemment, Nature Haute-Loire - et elle seule - a reçu par huissier une sommation de payer, sous huitaine, cette indemnité. Jusqu’à présent, l’association a toujours refusé de payer, puisque l’EPALA n’acceptait pas de dédommager les propriétaires expropriés de Serre de la Fare, au nombre desquels figurent des adhérents de Nature Haute-Loire. M.Doligé, qui a tant d’argent à sa disposition pour continuer de bétonner le bassin de la Loire, va t-il faire saisir nos ordinateurs, notre photocopieur, nos salaires ?

    Haute Vallée de la Loire

    Cascade de la Beaume : des menaces
    La cascade de la Beaume est l’un des joyaux paysagers de la Haute-Vallée de la Loire. En 1965, elle a été amputée d’une bonne part de son débit par le Syndicat des Eaux du Besson et Roulon, qui dessert 60 000 habitants. Un projet de détournement complémentaire, en prévision de l’augmentation des consommations (en été) sur le secteur de Blavozy et Saint-Germain-Laprade, est actuellement soumis à enquête publique (4 mai au 5 juin). A terme, il ne resterait plus dans la cascade que 50 litres/secondes, soit 15 % des 360 litres de débit naturel ! Il existe pourtant d’autres solutions, passant par l’utilisation optimale des ressources existantes : économies d’eau, recyclage, réfection des réseaux (les pertes de la ville du Puy dans les réseaux correspondent au prélèvement supplémentaire prévu sur la cascade !). Mais l’étude d’impact ne les a même pas évoquées. SOS Loire Vivante et Nature Haute-Loire s’opposent à ce projet, aux côtés des élus de la Haute-Vallée de la Loire, des pêcheurs et des associations locales. Participez à l’enquête publique, sur les communes de Solignac-sur-Loire et Le Brignon. Une pétition est disponible à SOS Loire Vivante.

    Carrièrre de Solignac sur Loire : des progrès

    La situation a favorablement évolué en ce qui concerne la carrière de Solignac-sur-Loire, située à l’entrée des gorges de la Haute Vallée de la Loire à environ 1 km du site de Serre de la Fare, démontrant l’utilité de la pression exercée par SOS Loire Vivante et Nature Haute-Loire. Les deux associations, ainsi que des riverains, ont notamment déposé un recours en annulation de l’arrêté préfectoral d’extension de la carrière pour une durée de 15 années, qui a obtenu un premier gain au Tribunal Administratif sur la question de sa recevabilité. D’autre part, SOS Loire Vivante a réussi à canaliser l’extension de l’exploitation sur un secteur moins visible, avec l’aide de propriétaires opposés à la carrière et grâce à la souscription lancée en juin 1993. Enfin, plusieurs rencontres entre SOS Loire Vivante, Nature Haute-Loire et l’exploitant, la SMTV, ont été organisées par l’intermédiaire du Groupe Jean Lefèbvre, propriétaire de la SMTV. Ces rencontres ont abouti à des mesures concrètes de réhabilitation paysagère du site et d’amélioration des conditions d’exploitation. La pente de certains fronts de taille a été réduite par l’apport de matériaux divers, puis végétalisée. Les tapis roulants d’acheminement de matériaux ont été capotés et équipés de dispositifs d’aspersion qui permettent de réduire la poussière, très dommageable à la végétation. Il reste trois problèmes majeurs à résoudre : le bruit, l’exploitant ayant reconnu que les chiffres résultants des mesures effectuées pour l’étude d’impact n’étaient pas crédibles, et la question des horaires de travail. Enfin, il va falloir penser à améliorer la situation pour l’usine d’enrobés Grand, située pour partie sur les terrains de la SMTV, qui continue de travailler dans des conditions dommageables pour les milieux et les riverains.

    Brèves

    BARRAGE DE SAINT-CALAIS-DU- DESERT : OU EN EST-ON ?
    Le projet de barrage de Saint-Calais-du-Désert, sur la Mayenne, est au point mort. Ce grand ouvrage, décidé par le Conseil Général de la Mayenne, d’un coût de 120 millions de francs, permettrait de stocker 16 millions de m3 d’eau pour assurer une improbable augmentation de la consommation d’eau potable dans le département, le développement du tourisme et de l’irrigation. Le projet est en contradiction avec le SDAGE (Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion de l’Eau ) du bassin Loire-Bretagne, qui préconise la maîtrise des consommations et la diversification des sources d’approvisionnement. Suite à la pression de l’association “Mayenne Vivante”, membre de Loire Vivante, qui pousse à la recherche d’alternatives - et il y en a ! - le lancement du chantier prend du retard. Contact : Mayenne Vivante, BP 0212, 53002 Laval Cedex. Tél. 02 43 02 97 56

    TRENTE MOIS DE RETARD POUR LA SALMONICULTURE
    On repart à zéro pour la salmoniculture de Chanteuges, un projet de soutien artificiel des populations de saumons, étalé sur dix ans, s’inspirant d’une technologie québécoise et permettant le retour, à terme, d’au moins 3000 saumons sur le bassin de la Loire. Lorsque l’unité sera construite, trois millions de jeunes, issus de géniteurs sauvages, seront relâchés dans l’Allier annuellement, à différents stades de leur développement. Suite à des difficultés internes au sein de la maîtrise d’oeuvre (un architecte, EDF Service Ingénierie Rhône-Alpes et un bureau d’études, IDEE), le premier projet a été abandonné. Le maître d’ouvrage, le SMAT du Haut Allier, a dénoncé le marché de maîtrise d’oeuvre, au début de l’année, pour des questions d’insuffisance technique. Un nouveau projet est en cours de validation. Les financeurs initialement prévus (EPALA, EDF, Etat, Agence de l’Eau, CSP, Région Auvergne, LOGRAMI) restent engagés. Espérons que le projet est maintenant sur la bonne voie.

    UNE PETITION POUR LE RETOUR DES EAUX DE LA LOIRE
    Saluons l’initiative des AAPPMA riveraines de la Loire supérieure. Elles viennent de lancer une pétition pour le retour d’une partie des eaux de la Loire, détournées depuis 1954 par EDF via le complexe hydroélectrique de Montpezat/Lapalisse : 234 millions de m3 d’eau partent ainsi chaque année de la Loire dans le Rhône. La pétition, complémentaire du travail que nous accomplissons dans ce sens depuis plusieurs années, est disponible à SOS Loire Vivante.

    PUBLICITES : DES PRECISIONS
    Depuis l’origine du bulletin, SOS Loire Vivante passe des publicités de commerces, entreprises qui soutiennent notre action, et reflètent la diversité de notre enracinement. Les annonceurs sont sélectionnés, en fonction de leur engagement. Suite à la publicité pour “ Béton Velay ” du dernier bulletin, quelques lecteurs nous ont écrit. Qu’ils se rassurent : cette entreprise est une entreprise avec laquelle nous dialoguons depuis plusieurs années et qui fait des efforts pour que ses activités s’intègrent mieux dans l’environnement.

    RANDONNEES NATURALISTES
    SOS Loire Vivante organise désormais des randonnées naturalistes mensuelles, pour faire découvrir le patrimoine naturel de la Haute-Vallée de la Loire et du Haut-Allier. Ces randonnées d’une dizaine de kilomètres, animées par les permanents de SOS LV et par des intervenants extérieurs, durent l’après-midi ou la journée entière. Une participation de 20 F est demandée aux non-adhérents. Gratuit pour les adhérents. S’inscrire à SOS Loire Vivante. Voir le calendrier ci-dessus pour les dates.


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